Par Sandra Amaral, Head Medical Affairs Novartis België & Luxemburg
Bien que je travaille pour Novartis depuis 13 ans, dont les quatre dernières années en Belgique, je pense souvent à l'époque où j'étais oncologue dans un hôpital au Portugal.
Au cours de ces années, j'ai appris à quel point il pouvait être difficile d'accéder à certains médicaments - ceux que je pensais être la meilleure option pour le patient en question.
En tant que médecin, j'ai trop souvent été confronté à la difficulté que représente l'accès aux médicaments que je croyais capables de donner les meilleurs résultats possibles chez les patients. Je me suis parfois senti démuni face à cette situation. Mais j'ai réalisé que j'avais là un rôle à jouer, ce que je fais aujourd'hui en tant que responsable des affaires médicales de Novartis en Belgique et au Luxembourg.
Les professionnels de la santé, l'industrie, les associations de patients, les responsables politiques et les contribuables ont tous un rôle à jouer pour assurer un accès rapide et durable aux médicaments innovants, et permettre aux patients d'avoir accès au bon traitement au bon moment.
Ces approches individuelles apportent une valeur inégalée au profit du patient. Pour y parvenir, nous devons d'abord être disposés à accorder une plus grande écoute aux différentes parties prenantes et à intégrer diverses optiques en vue d'un but commun.
La Belgique a du talent, mais certains besoins médicaux restent sans réponse
Au cours des quatre dernières années, j'ai constaté une amélioration de la façon dont nous travaillons avec les membres de la communauté médicale belge, les organismes de santé et les autorités pour aider les patients dont les besoins médicaux ne sont pas couverts.
Qu'il s'agisse de permettre un accès précoce à des médicaments innovants par le biais d'essais cliniques ou de fournir un accès ouvert à des médicaments pour des utilisations non encore approuvées par l'Agence européenne des médicaments (EMA), nos programmes d'usage compassionnel et de besoins médicaux nous permettent de respecter l'engagement de Novartis consistant à garantir l'accès aux traitements pour les patients. Au cours des quatre dernières années et demie, nous avons fourni un traitement gratuit et intégral à 1446 patients, ce qui représente un taux d'approbation de 84% des 1724 demandes reçues. Ces médicaments étaient utilisés dans les domaines du cancer, de la neurologie, de l'immunologie, des maladies cardiovasculaires et des maladies rares. Cependant, la majorité (82%) des patients ont été traités pour un cancer.
Ces chiffres montrent la nécessité de prendre en charge ces patients qui ne sont actuellement pas pris en compte parce qu'ils ne correspondent pas aux priorités du système de soins de santé. En outre, les entreprises pharmaceutiques manquent de constance pour combler cette faille, car la plupart d'entre elles ne fournissent qu'un nombre limité d'échantillons de médicaments, et non le l’ensemble du traitement dont le patient a besoin. En ce qui concerne la création d'une cohérence et d'un cadre juridique, nous avons donc encore du chemin à parcourir pour offrir un meilleur accès aux solutions de santé innovantes capables d'améliorer et de prolonger la vie des individus.
La Belgique à la traîne : un véritable choc
Dans l'état actuel des choses, les patients - et l'ensemble de la société - ne pourront bénéficier des traitements innovants que si toutes les parties prenantes comprennent le principe selon lequel « la santé est une richesse » et que les dépenses dans ce secteur constituent un investissement pour une société plus saine, plutôt qu'un coût.
Lorsque je dis à certaines personnes que plus de la moitié des médicaments approuvés par l'EMA ne sont pas remboursés en Belgique1, elles sont toujours stupéfaites - et ce avant d'ajouter que le délai d'attente pour le remboursement est d'environ 546 jours2. C'est l'un des plus longs en Europe occidentale.
Le temps d'attente n'est pas vraiment surprenant si l'on considère la tendance croissante, tant en Belgique qu'en Europe, à réduire les dépenses pharmaceutiques globales par des « économies » de coûts qui ont un impact sur l'accès aux soins et l'innovation médicale.
Investir plus intelligemment pour plus d'efficacité
Les budgets ne sont pas illimités et le concept de maîtrise des coûts est donc compréhensible. C'est l'occasion pour la Belgique, et le reste de l'Europe, de changer d'état d'esprit et de privilégier l'efficacité au détriment des économies. En nous efforçant de dépenser plus intelligemment et d'investir dans l'avenir, nous pouvons dégager des budgets là où ils sont le plus nécessaires, au bénéfice des patients et de la société, et en permettant de libérer le potentiel de l'innovation.
Outre les indications approuvées par l'EMA, il existe également des indications pour lesquelles aucun médicament n'est autorisé, en raison de leur rareté ou du manque général de données les concernant. Les patients souffrant de ces maladies ne savent pas comment accéder au médicament dont ils ont besoin. Ils ne sont pas considérés comme une priorité dans le système de soins de santé, ce qui crée un manque d'équité pour les patients belges.
Les parties prenantes doivent collaborer pour trouver des solutions qui permettent aux patients d'accéder aux traitements dont ils ont le plus besoin, tout en garantissant la viabilité de nos systèmes de soins de santé. Pour pouvoir travailler ensemble, nous devons également nous assurer que nous nous faisons mutuellement confiance.
La confiance n’est pas une option
Depuis que je travaille dans l'industrie pharmaceutique, j'ai appris beaucoup de choses, mais aucune ne me semble aussi importante que l'entretien de bonnes relations dans ce secteur. Sans confiance, nous risquons de nous perdre dans nos propres problématiques, au lieu de chercher les solutions possibles.
C'est dans cette optique que Novartis a élaboré trois propositions concrètes pour créer un système de remboursement des nouvelles innovations à l'épreuve du temps en Belgique, un système qui nous aidera à combler les lacunes en matière d'équité et de cohérence présentes dans notre système actuel.
- Accéder plus tôt au traitement pour une meilleure santé: Tout d'abord, le système de santé belge a besoin d'améliorer les délais de remboursement. En repensant le processus pour utiliser plus efficacement l'enregistrement de l'EMA et les données internationales, ainsi qu'en introduisant un calendrier révisé avec une limite maximale de 180 jours, nous pouvons réduire la période d'évaluation clinique à 30 jours, après quoi vient l'examen budgétaire et (le cas échéant) la négociation du contrat.
En d'autres termes, si nous y parvenons, les traitements profiteront plus rapidement aux patients.
- Favoriser l'équité en matière de santé dans un cadre cohérent: Il est nécessaire de mettre en place un cadre juridique pour l'accès précoce aux médicaments homologués dans des indications non approuvées. Lorsqu'un médicament précis est déjà sur le marché et qu'il peut potentiellement traiter une maladie pour laquelle il n'est pas autorisé, il n'existe pas de cadre juridique en Belgique pour soutenir ce patient concerné.
Chez Novartis, nous sommes préoccupés par le fait que ces patients deviennent invisibles ou se perdent dans le système de soins de santé et ne peuvent pas recevoir les mêmes traitements que les autres. En fournissant gratuitement des médicaments pour traiter ces patients, nous pouvons ouvrir la voie à un cadre cohérent et durable qui répond aux questions d'équité dans le système de soins de santé belge.
Les pays de l'UE disposent de structures différentes pour répondre à ces besoins (comme le modèle français d'autorisation d'accès précoce), mais en Belgique, nous sommes encore en train de développer une compréhension commune de l'effort commun nécessaire pour répondre à ces besoins. D'un point de vue politique, le plan européen pour vaincre le cancer3 pourrait être l'occasion de lancer un projet pilote pour les patients atteints de cancer, en s'inspirant du récent consortium belge pour les patients en oncologie pédiatrique, où une solution commune a été trouvée par les acteurs impliqués.
- Renforcer les ressources par la durabilité: Enfin, aucun de ces éléments ne peut exister sans un système de soins de santé qui régule l'allocation des budgets de manière agile et efficace. Tous les systèmes de soins de santé présentent un degré élevé de gaspillage, variant de 20 à 50 %4. En mettant en place les mécanismes appropriés, nous pouvons réduire cette perte au profit de l'amélioration de l'accès aux médicaments pour les patients qui en ont besoin.
Pour atteindre cet objectif, nous devons faire évoluer notre modèle de prestation de soins de santé vers des soins de santé fondés sur la valeur, qui visent à fournir des résultats de santé pertinents pour le patient de manière efficace et qui mesurent la valeur par le rapport entre les résultats et les coûts.
Les défis sont complexes ; la solution devrait être simple
Pour changer véritablement la vie des patients, nous devons repenser en profondeur notre façon d'agir- et d'interagir. Nous devons avoir le courage d'accepter que nous ne pouvons pas améliorer les problèmes d'accès sans établir des partenariats avec les parties prenantes. Je sais que les problèmes auxquels nous sommes confrontés sont complexes, mais la solution ne doit pas compliquer davantage les choses.
Si nous travaillons dans le but commun de mieux servir les patients et notre société, nous concevons le voyage comme un partage des responsabilités.
C'est la confiance qui s'installe. C'est le début du chemin. Les propositions mentionnées ne peuvent se concrétiser que par la co-idéation, le co-développement et le co-investissement.
Alors, écoutons les uns les autres et faisons en sorte que la confiance soit notre devise.
Sandra Amaral est Country Head of Medical Affairs au sein de Novartis BeLux depuis mars 2023. Auparavant, elle a occupé le poste d'Oncology Medical Director au sein de Novartis pendant plus de trois ans. Avant de rejoindre l'organisation BeLux, elle était Associated Regional Director dans la région de LaCan, basée à East Hannover, aux États-Unis. En réalité, son parcours chez Novartis a débuté en 2011, en tant que responsable des affaires médicales au Portugal. Pour la petite histoire, elle a étudié la médecine et a terminé sa spécialisation à l'Institut portugais d'oncologie à Lisbonne. Sandra a d’abord commencé sa carrière en tant qu'oncologue au Portugal mais sa curiosité pour la recherche l'a conduite en Allemagne où elle a rédigé sa thèse de doctorat sur le cancer du sein. Pendant cette période, elle a vécu dans cinq pays différents où elle a exercé des fonctions à la fois régionales et nationales. Cette variété de postes et de contextes lui a permis de développer une perspective unique et holistique sur l’industrie de la santé. Animée par la volonté d’avoir un impact concret et durable en tant que leader, Sandra Amaral est profondément engagée à faire une différence tangible et durable dans la vie des personnes atteintes de cancer.