Par Jean-Michel Luyckx, Head Public Affairs Novartis België & Luxemburg
Nous sommes une nation aux contrastes étonnants, qui se fait entendre sur les activités d'exportation pour lesquelles le monde nous connaît, mais qui est pudique lorsqu'il s'agit de promouvoir son impressionnant - et croissant - palmarès en tant qu'innovateur.
Du saxophone à la pilule contraceptive1 qui a servi de référence à toutes les autres, la Belgique a une histoire d'innovation et de création. Nous sommes un acteur majeur du secteur spatial européen, notre marché automobile est le troisième à connaître la plus forte croissance en Europe2, et nous pouvons nous targuer d'être une puissance biopharmaceutique, en particulier dans le domaine des produits radiopharmaceutiques.
Le Centre de recherche nucléaire et l'Institut des radioéléments3 de Belgique (SCKCEN), qui produisent près d'un tiers des radio-isotopes utilisés dans le monde pour le diagnostic et le traitement du cancer, comme la thérapie par radioligands (RLT), en sont un parfait exemple.
La RLT est un traitement ciblé du cancer qui délivre des radiations directement sur les cellules cancéreuses, afin de minimiser les dommages causés aux cellules saines voisines. La RLT nous permet de traiter les tumeurs avec précision, à leur emplacement spécifique, transformant ainsi la qualité de vie des quelque 70 000 personnes4 qui reçoivent un diagnostic de cancer chaque année en Belgique.
Cette contribution est massive, mais nous n'en parlons pas.
Donc parlons en maintenant.
Continuer à faire parler de nous pour guider l'avenir des produits radiopharmaceutiques
Pendant les six mois de la présidence belge du Conseil de l'Union européenne, nous avons défendu l'avenir des produits radiopharmaceutiques en ayant l'audace de placer les radio-isotopes en tête de la liste du calendrier5. Nous avons abordé les principaux défis, notamment le développement des radio-isotopes, leur disponibilité, le fonctionnement des réacteurs, la structure financière de leur marché et la nécessité d'un cadre législatif actualisé.
Nous avons fait sensation, mais ce moment est révolu. Aujourd'hui, nous avons besoin que la Belgique poursuive sur sa lancée. Nous avons tout ce qu'il faut pour que la Belgique devienne un pôle d'attraction RLT. La Belgique est devenue grande grâce à ses initiatives audacieuses et au soutien qu'elle a apporté à l'innovation. Les nouvelles innovations comme la RLT serviront les patients, contribueront à une société plus prospère et feront de la Belgique un pays plus prospère.
Cela semble être une bonne idée, n'est-ce pas ? Alors, parlons des aspects concrets à prendre en compte pour faire avancer les choses.
Assez parlé d'innovation, innovons
Il est essentiel de poser les bonnes fondations. Nous devons donc commencer par préparer les systèmes de soins de santé à la RLT afin d'éviter la menace d'une tragédie due à un potentiel non exploité en Belgique.
Une innovation telle que la RLT ne peut tout simplement pas atteindre son plein potentiel si l'Europe ne dispose pas de l'infrastructure, des ressources, des processus, des personnes et des politiques nécessaires pour intégrer une nouvelle approche des soins contre le cancer.
Nous connaissons les obstacles auxquels l'Europe est confrontée pour intégrer la RLT dans les soins du cancer, et ici, en Belgique, nous cherchons à renverser le statu quo, à remettre en question les préjugés négatifs à l'égard des traitements radioactifs qui font que les cliniciens hésitent à adopter la RLT.
Certes, la RLT ne guérit pas encore le cancer, mais elle montre comment des produits innovants peuvent donner aux personnes atteintes d'une maladie avancée des mois de répit qu'elles n'auraient probablement pas eu autrement.
Cela montre le progrès dont nous sommes capables, si nous nous concentrons.
Pas de vallée pharmaceutique sans culture
Pour accueillir et développer de nouvelles technologies telles que la RLT, la Belgique doit maintenir sa position d'innovateur dans le domaine de la santé, ce qui est soutenu par la forte volonté de faire du pays une « vallée pharmaceutique ».
Comme le souligne le rapport de Mario Draghi intitulé ‘The future of European competitiveness’, l'avenir de l'Europe en tant que puissance économique et innovatrice reposera également sur le pilier stratégique de l'industrie pharmaceutique.
Lorsqu’il s’agit de segments tels que les produits biologiques, les médicaments orphelins et les thérapies avancées, l'Europe doit redoubler d'efforts. En augmentant les investissements publics et stimulant les investissements privés en R&D, en optimisant le cadre réglementaire et en maximisant l'impact de l'Espace européen des données de santé (EHDS), nous pouvons rester compétitif à l'échelle mondiale dans des domaines clés, mais cela ne se fait pas sans effort conscient.
En nous penchant sur l'avenir de la Belgique - et pas seulement son présent - nous pouvons nourrir cette vallée pharmaceutique pour le bien de toute l'innovation, en tirant parti de l'expertise, des installations florissantes, des principaux faiseurs d'opinion et des entreprises de biotechnologie émergeante pour devenir un pôle mondial de la RLT.
Actuellement, la Belgique compte plus de 5 000 professionnels dévoués à la médecine nucléaire6, dont 350 spécialistes de médecine nucléaire. Nous produisons, séparons et purifions 30 à 35 % de la demande mondiale de molybdenum-997, un isotope médical essentiel, et ce chiffre peut même atteindre 65 % en période de forte activité8.
Imaginez l'impact que nous pourrions avoir si nous pouvions faire plus ?
La construction d'un tel héritage nécessite une intention et un investissement continus, positionnant la RLT comme un instrument reconnu dans le traitement du cancer, et finalement augmentant le bénéfice pour les patients en Belgique et la société dans son ensemble.
À l'heure actuelle, nous sommes le seul État membre européen qui rembourse globalement la RLT, et nous prévoyons de continuer à impliquer des partenaires dans notre écosystème unique afin de devenir un pôle mondial (de la recherche aux essais cliniques et à la production).
Ouvrir la voie et innover pour préparer le système de santé
La Belgique va de l'avant en construisant un solide héritage dans le domaine de la RLT pour les cancers avancés - témoignant de notre engagement à soigner notre population et à construire une société plus saine.
Le plan d'action belge RLT9, récemment lancé, a été élaboré par de multiples parties prenantes, notamment des professionnels de la santé, des hôpitaux, des instituts de recherche, des universités, des associations de patients et des services publics. Grâce à ce plan, nous avons une réelle chance de nous positionner à l'avant-garde de la préparation des systèmes de soins de santé afin d'offrir aux patients de nouvelles perspectives d'allongement de la durée de vie et d'amélioration de la qualité de vie, tout en offrant des avantages économiques à la société.
Grâce à la RLT, nous avons une chance de changer, de ne plus être pudiques face à nos victoires et de nous mettre au défi de faire de notre vision d'un avenir meilleur une réalité.
Dans 10 ou 15 ans, quel regard porterons-nous sur ce moment ?
Avons-nous profité de l'élan donné par la RLT pour conserver notre avance et permettre aux générations futures de récolter les bénéfices à long terme de notre investissement ?
Pour devenir un point de référence en matière de RLT, il faut que la Belgique et les prochains gouvernements se lancent à corps perdu dans l'aventure. Nous devons faire un pas en avant et mettre en œuvre le plan d'action RLT. C'est parti, faisons le!
Jean-Michel Luyckx occupe le poste de Head of Public Affairs chez Novartis BeLux. Dans cette fonction, il collabore étroitement avec tous les acteurs de l'écosystème de la santé en Belgique et au Luxembourg. Son objectif est de contribuer à la construction d'un système de santé plus solide, de favoriser une meilleure collaboration entre les différentes parties prenantes, et d'améliorer la qualité de vie des patients. Sa motivation principale est claire : rendre les innovations révolutionnaires plus rapidement accessibles aux patients. Avant de rejoindre Novartis en 2021, il a occupé des fonctions similaires au sein d'autres entreprises du secteur de la santé. Jean-Michel possède un parcours académique impressionnant, ayant étudié dans des institutions prestigieuses telles que le Collège d'Europe, l'EHSAL Management School, l'Université de Zurich et l'Université d'Anvers.
