Par Kevin Jiang
Le coronavirus responsable du COVID-19 est incroyablement petit. Mis bout à bout, mille coronavirus pourraient tenir sur la largeur d’un cheveu humain. Comment quelque chose d’aussi petit peut-il faire autant de dégâts? Et surtout: comment pouvons-nous l’arrêter? La réponse à ces questions pourrait se trouver en partie dans un appareil sophistiqué et complexe, une sorte de machine moléculaire à copier.
La recherche d’antiviraux nouveaux et meilleurs pour lutter contre le coronavirus responsable du COVID-19 et ses variants est l’une des tâches les plus urgentes de la médecine à laquelle se consacrent les scientifiques du monde entier. Et ce n’est pas la seule, car d’autres coronavirus pourraient également causer des pandémies. En effet, les coronavirus regroupent toute une famille de virus connus non seulement pour le COVID-19, mais aussi pour des épidémies comme le SRAS et le MERS (par exemple en 2003 et 2012).
«La vitesse historique à laquelle nous avons développé et mis sur le marché les vaccins contre le COVID-19 montre à quel point la science a progressé», déclare Stephanie Moquin, virologue chez Novartis. «Mais nous avons toujours besoin d’antiviraux efficaces contre les coronavirus, non seulement pour aider les patients qui ont été infectés, mais aussi pour disposer de médicaments en mesure de stopper tous les autres coronavirus susceptibles d’apparaître à l’avenir.»
Nous ne devons plus jamais être pris au dépourvu comme nous l’avons été avec le COVID-19.
Chez Novartis, les chercheurs se concentrent sur la machine moléculaire utilisée par les coronavirus pour s’emparer des cellules humaines et se reproduire. Outre le virus responsable du COVID-19, tous les coronavirus dépendent également de cette machine. Les efforts visant à saboter cette machine pourraient donc être la clé pour développer un nouvel antiviral universel contre les coronavirus. Cette clé pourrait contribuer à mettre fin à la pandémie actuelle et à mieux préparer le monde aux menaces futures d’autres coronavirus. Cette machine pourrait même fournir des indications sur un éventuel «remède» contre certains types de rhumes courants.
Une pilule contre la pandémie
Dès l’instant où les scientifiques ont découvert le nouveau coronavirus, ils ont tout mis en œuvre pour lutter contre la maladie et ont développé des vaccins très efficaces à un rythme sans précédent.
Cependant, tout le monde ne peut pas se faire vacciner ou ne le fera pas, et les efforts pour réutiliser les médicaments existants, qui n’ont pas été développés contre les coronavirus mais pour soigner d’autres maladies, n’auront qu’un effet limité. Il existe toujours un besoin urgent de médicaments antiviraux capables de ralentir ou d’enrayer l’évolution des infections à coronavirus, d’autant que de nouveaux variants apparaissent sans cesse.
Alors que des vaccins sont déjà distribués dans le monde entier, les travaux sur des médicaments antiviraux continuent de s’accélérer. Les chercheurs du monde entier, y compris ceux de Novartis, relèvent ce défi en partageant ouvertement leurs connaissances et leurs ressources et en créant de toutes nouvelles conditions de collaboration. C’est dans cette optique que des scientifiques du monde académique et de l’industrie se sont réunis lors de forums virtuels pour discuter des derniers résultats de la recherche et des stratégies. Ces réunions incluent notamment le premier Science of Therapeutics Symposium organisé par les Novartis Institutes for BioMedical Research (NIBR).
Comme les antiviraux empêchent la multiplication des virus, ils sont plus efficaces aux premiers stades de l’infection. Dans l’idéal, cela signifie que de tels médicaments devraient être largement disponibles afin de pouvoir être pris facilement par toutes les personnes infectées.
«L’antiviral idéal contre les coronavirus devrait être disponible sous forme de pilules, afin que les personnes puissent prendre quelque chose chez elles pour arrêter le virus dès l’apparition de symptômes, en cas de test positif ou si elles pensent avoir été exposées au virus», explique Julien Papillon, chimiste médical chez Novartis.
La machine à copier du coronavirus
Pour ce faire, les scientifiques de Novartis sont à la recherche du mécanisme clé qui rend le virus si dangereux.
Le coronavirus est en fait un moyen de transport pour son génome, un plan de construction génétique pour la fabrication d’autres coronavirus. Une fois entré dans une cellule, ce plan de construction conduit d’abord la cellule à créer une machine moléculaire à copier pour le virus.
Cette machine n’a qu’une seule fonction: créer des copies du génome du virus. Chaque nouvelle copie incite la cellule à construire d’autres machines à copier qui produiront ensuite davantage de plans de construction viraux.
Ce cycle surcharge rapidement la cellule et finit par la transformer en véritable usine de production du coronavirus. Très vite, les coronavirus nouvellement créés se répandent hors de la cellule pour infecter les cellules voisines, puis d’autres individus.
Mais la machine à copier a des défauts.
Elle est complexe et composée de nombreuses protéines différentes. Ces composants sont collés les uns aux autres lors de leur création, comme les pièces d’un jouet qui sont insérées dans un cadre en plastique lorsqu’on les sort de la boîte pour la première fois. Pour détacher les pièces et assembler la machine, le virus utilise des ciseaux moléculaires appelés Mpro (protéase principale ou main protease en anglais).
En collaboration avec des collègues de l’Université de Californie à Berkeley, aux États-Unis, une équipe de Novartis a entrepris d’identifier des molécules essentiellement capables de bloquer ces ciseaux et d’empêcher ainsi l’assemblage de la machine à copier. De cette manière, le virus ne peut plus se multiplier et causer d’autres dommages.
Préparations pour la prochaine pandémie
L’équipe de Novartis a passé l’année dernière à étudier de telles molécules qui devaient être examinées sous toutes les coutures en laboratoire avant le début des essais cliniques. Après avoir réduit la liste des candidats potentiels, l’équipe mène ce projet avec le soutien de la fondation Bill et Melinda Gates. De même, des groupes de travail du monde entier s’efforcent de neutraliser le coronavirus en éliminant la protéase Mpro, les composants des machines à copier ou d’autres cibles.
Il faudra attendre un certain temps avant que d’éventuels traitements ne puissent être testés sur des patients. Mais des médicaments spécifiquement conçus pour arrêter la protéase Mpro pourraient offrir des avantages exceptionnels qui iraient même au-delà de la pandémie de COVID-19.
Pour reprendre notre métaphore: tous les coronavirus connus utilisent des ciseaux Mpro très similaires pour assembler leurs machines à copier. Un médicament éliminant ces ciseaux pour un type de coronavirus pourrait donc être efficace contre d’autres coronavirus, y compris les nouveaux variants et même ceux qui ne sont pas encore apparus.
Cela inclut également les coronavirus responsables d’environ 20% des rhumes: pour ainsi dire, des cousins moins virulents de l’agent pathogène du COVID-19. Vu que d’autres virus du rhume utilisent des ciseaux moléculaires similaires, les efforts visant à désactiver la protéase Mpro pourraient aussi révéler de nouvelles façons de désactiver ces virus.
«Il est presque certain que les futures pandémies seront causées par des coronavirus que nous n’avons pas encore identifiés», déclare John Tallarico, responsable de la recherche en biologie chimique et en produits thérapeutiques chez Novartis. «C’est pourquoi l’inclusion dans l’arsenal de santé publique de médicaments antiviraux efficaces contre tous les coronavirus est un axe important de notre réponse globale à cette crise à l’échelle du secteur. Nous ne devons plus jamais être pris au dépourvu comme nous l’avons été avec le COVID-19.»